Le monde du financement apparaît souvent telle une boîte noire aux startups, en particulier le capital-risque ('Venture Capital / VC').
Cette note est le support que nous utilisons pour leur en donner un premier aperçu simplifié en quelques minutes (de nombreux blogs, podcasts, mooc, livres permettant de rentrer dans les détails et affiner certaines simplifications).
Tout commentaire pour l’enrichir (en restant simple et macro) est le bienvenu.
FINANCER SON ENTREPRISE
Quatre principaux leviers permettent de financer son entreprise en phase de démarrage.
l'autofinancement (‘bootstrap’ en langage startup) si l’activité permet de générer suffisamment de chiffre d'affaires pour couvrir ses investissements et coûts.
les subventions (voir https://www.les-aides.fr/), accessibles à nombre d’activités, ne représentent (généralement) qu’une aide au démarrage. Elles ne permettent pas de couvrir plusieurs mois de dépenses sans chiffre d’affaires
l’emprunt qui est plutôt adapté aux activités traditionnelles (vs innovantes) ou ayant déjà un historique de profitabilité rassurant pour les banques
enfin les investisseurs qui échangent du financement contre des parts de l'entreprise. Ceux-ci sont de deux types selon le cycle de vie de l’entreprise :
les capitaux-risqueurs (’venture capital / VC’) : business angels, fonds d’amorçage (’early stage VC’), fonds de croissance (’growth VC’)… sont spécialisés dans le financement d’activités innovantes. Ils sont de plus minoritaires au capital. Ils sont l’objet de cette note.
les capitaux-développeurs (‘private equity’) : investissent plutôt dans des activités dont le modèle d’affaires (offre, opérations, financier) est éprouvé, donc souvent des PME, ETI. Ils sont souvent majoritaires au capital.
Une première gorgée de VC donc afin d'introduire :
Qui et Pourquoi ? Persona des VC et leurs attentes
Quoi, Comment et Combien ? Modèle d’affaires d'un VC (offre, opérations, finance)
Pourquoi vous choisissent-ils ? Proposition de valeur de la startup pour un VC
Faire un deal ? 10% sur la valorisation, 90% sur les clauses du contrat.
1/ QUI & POURQUOI
Persona des VC
Les VC collectent de l'argent auprès d'investisseurs privés ou professionnels (‘Limited Partners / LPs’).
Après une période de temps prédéfinie (point important, cf. partie "Cycle de vie différent"), ils leur rendent cet argent avec un profit (‘multiple’) et prélèvent une commission ('carried').
Les VC sont donc d'une certaine manière une startup à durée de vie déterminée qui lève des fonds pour les placer... dans des startups à durée de vie indéterminée (pour le meilleur et pour le pire).
Selon le cycle de vie d’une startup, le type de VC diffèrera. Synthèse simplifiée, étant entendu que dans la réalité les frontières sont moins figées.
Amorçage (‘early stage’) : Business Angels et VC Seed
Startup ciblée : a identifié un problème important sur un marché significatif, a une bonne équipe de fondateurs et une (idée de) solution.
Risque & Rendement : très élevé
Investissement : 10 K€ - 1-2 M€
NB : plus le projet est amont et le montant cherché est bas, plus la startup visera les Business Angels. Cela étant, cela évolue, notamment avec les syndicats de Business Angels où plusieurs se regroupent pour investir des montants parfois conséquents.
Des startups se sont spécialisées dans cette approche, la plus connue étant AngelList (angel.co).
Croissance (‘growth stage’) : VC Série A, B
Startup ciblée : a validé l’adéquation offre-marché (‘product-market fit’), et a besoin de croître fortement. De manière plus fine : le VC Série A investit pour aider la startup à prouver sa capacité à croître (notamment via la mise en place d'équipe-process-outil marketing & commerciaux) ; le VC Série B investit pour aider la startup à déployer cette capacité le plus largement possible
Risque & Rendement : élevé
Investissement : 2- 50 M€
Expansion (‘late stage’) : Série C, D… F
Startup ciblée : est prête à conquérir le monde, puis s’introduire en bourse dans les 2-3 ans
Risque & Rendement : élevé
Investissement : > 50 M€
Des cycles de vie différents
"Après une période de temps prédéfinie", les VC rendent leur investissement aux LPs.
C'est un point clé à appréhender par les startups. En effet, lorsqu'un VC investit, il sait d'ores et déjà quand il devra au plus tard désinvestir (vendre ses parts de la startup).
Les startups sont parfois choquées de cette volonté de sortie ('exit') d'un VC, mais en réalité, c'est la plupart du temps qu'ils s'y sont engagés vis-à-vis de leurs propres investisseurs.
Ainsi, le cycle de la startup est beaucoup plus long que celui d'investissement d'un VC.
Cela doit être anticipé par la startup qui, selon ses besoins de financement, devra accueillir de nouveaux VC au fil du temps.
2/ QUOI - COMMENT - COMBIEN
Comme toute entreprise, le VC a son propre modèle d'affaire ('business model') : offre, opérations, financier.
Quelques sous-titres :
Modèle d'offre : les LPs (cf. investisseurs particuliers ou professionnels) sont bien les clients des VC. Les startups doivent ainsi comprendre que la priorité du VC est d'offrir un retour sur investissement à leurs clients, et ce d'autant plus attractif qu'il est risqué.
Les nombreuses clauses qui étayent un contrat d'investissement visent à minimiser les risques (cf. partie "Faire un deal").
Modèle opérationnel : le VC (aussi appelé GP pour 'General Partner') a souvent plusieurs fonds d'investissement (d'une certaine manière ses 'produits'). Ce sont précisément chacun de ces fonds d'investissements qui ont un cycle de vie déterminé.
Exemple :
un fonds 1 dont la thèse d'investissement est "startups B2B dans la blockchain en Europe". L'argent collecté auprès d'un premier groupe de LPs est affecté à ce fonds, qui a une durée de vie déterminée.
un fonds 2 dont la thèse d'investissement est "startups de logistique en Europe". Un autre groupe de LPs y investit, avec un cycle de vie différent du fonds 1.
NB : ce modèle commence tout juste à évoluer avec la création de Rolling funds. La durée d'investissement devient d'une certaine manière indéfinie et l'entrée & sortie d'un LP est facilité. Encore très peu répandu en 2021, mais à suivre.
Modèle financier
Le VC dispose de beaucoup d'argent à investir dans des startups, mais relativement peu pour faire fonctionner son modèle opérationnel (ne versez tout de même pas de larme). Celui-ci est en effet financé par un pourcentage de frais de gestion (1-3%) prélevé sur la somme totale investie par les LPs.
Lorsque le VC revend les parts ('exit') de toutes les startups de l'un de ses fonds, si la valorisation du fonds s'est accrue d'un multiple minimal prédéterminé avec les LPs (le 'hurdle', ex. investissement x 1,07), il perçoit une commission sur la vente ('carried') ; les VC sont donc directement intéressés à la performance de chaque fonds, et donc de chaque startup.... mais dans un pas de temps qui diffère de la startup.
3/ POURQUOI VOUS CHOISISSENT-ILS ?
Conformément aux profils de VC selon le cycle de vie de la startup, certains critères de choix d'investissement diffèrent. Les startups doivent en être consciente afin de mettre en exergue les points répondant à ces critères.
Critères communs à tous les stades :
une équipe de qualité (condition sine qua non)
un marché important, avec un problème important à résoudre
une offre répondant au problème (sachant qu'en phase d'amorçage les VC savent que la startup doit tester son offre et l'adapter au fil du temps)
et un potentiel de sortie en termes de période et montant lui permettant de satisfaire ses propres clients (les LPs)
Critères différant :
en phase d'amorçage : focaliser son discours ('pitch') sur l'équipe, le potentiel du marché (taille et problème) et la différentiation de la solution envisagée/prototypée/v1
en phase de croissance : focaliser sur le fait que la solution correspond au besoin du marché ('product-market fit'), et que l'investissement permettra de fortement croître en structurant les équipes en charge de cette croissance (compétences, processus, outil) et de continuer à améliorer la solution
en phase d'expansion : focaliser sur le fait que le monde est à portée de main et que l'investissement permettra de le conquérir tout en structurant l'ensemble des départements de la startup (en particulier finance, juridique, rh...) en vue d'une introduction en bourse ('IPO') ou acquisition.
4/ FAIRE UN DEAL
L'Entrepreneur décide de lever des fonds auprès d'un VC afin d'être en mesure de recruter des équipes, acheter du matériel etc pour développer son activité.
LA TERM SHEET
Il va devoir négocier avec le VC la 'term sheet', document préalable au pacte d'actionnaire qui actera définitivement de l'investissement du VC dans la startup.
La 'term sheet' décrit les conditions financières et capitalistiques de l'opération (valorisation, montant investi par le VC, part du capital allouée au VC), ainsi que les clauses juridiques qui sous-tendent l'entrée du VC au capital de la startup.
Contrairement à ce que pensent trop d'Entrepreneurs, ces clauses juridiques sont redoutablement importantes, et potentiellement plus que la seule valorisation.
CONDITIONS FINANCIÈRES et CAPITALISTIQUES : la pointe émergée de l'iceberg
Sur la base de son plan d'affaires ('business plan'), la proposition de l'Entrepreneur au VC est par exemple d'investir "2" M€ pour "20"% du capital de la startup, valorisée "10" M€.
Voilà pour les 10% de l'iceberg, qui représentent souvent 90% de l'attention de l'entrepreneur.
A noter : il n'y pas une mais deux valorisations lors d'une levée de fonds.
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LES CLAUSES JURIDIQUES : la partie immergée, qui peut tout changer
Ces clauses sont multiples et relativement évoluées pour certaines. L'objet ici n'est pas de les détailler, de nombreux experts s'y étant attelé avec pédagogie (par exemple Jean-François Gallouin ou Jimmy Guilloteau).
En revanche, il s'agit d'illustrer à quel point ces clauses sont au moins aussi (si ce n'est plus) importante que : "Je vous donne 20% du capital pour 2 M€ de ma startup valorisée 10 M€".
Illustration avec deux clauses : le "Ratchet" et la "liquidation préférentielle".
Ex. 1 : clause de “Ratchet”, protéger le VC contre une survalorisation de la startup
Lors d'une levée de fonds, l'Entrepreneur propose une valorisation de sa startup pre-money (ex. 8 M€) et, en fonction de l'investissement recherché (ex. 2 M€), offre un pourcentage du capital au VC (ex. 2/(8+2) = 20% post-money).
Cependant, cette valorisation repose sur un 'business plan' dont les hypothèses peuvent ne pas se réaliser ; et cela peut changer du tout au tout la valorisation pre-money de la startup (ex. nouvelle valorisation à 5 M€).
Dans ce cas, le VC n'aurait donc que 20% du capital, alors qu'avec la "nouvelle" valorisation, ses 2 M€ en aurait valu 28% post-money (2/(5+2) = 28%).
La clause de Ratchet s'active à la prochaine levée de fonds : si la startup est valorisée à un niveau inférieur à la précédente, le VC peut se reluer ; ainsi, de manière simplifiée, sa part du capital est ajustée à ce qu'elle aurait dû être à la précédente levée (cf. 28% vs 20%).
Sur-évaluer sa startup apparaît ainsi triplement inopportun :
plus la startup apparaît sur-évaluée, plus le VC initial aura tendance à empiler les clauses le protégeant
les chances de réaliser une seconde levée de fonds sont considérablement amoindries car les VC n'aiment pas investir dans la décroissance
si la 2ème levée de fonds se fait, les parts seront réallouées en fonction de ce qu'aurait dû être la valorisation initiale.
Ex. 2 : clause de "Liquidation préférentielle", récupérer sa mise avant l'Entrepreneur
Considérons deux scenarios* lors de la vente de la startup ('liquidation', faux-ami qui signifie ici que les parts de la startup deviennent liquides) :
la startup se vend au-dessus de la valorisation post-money à laquelle a investi le VC
ou en-dessous (c'est là que ça se gâte).
* La réalité est un peu plus subtile, mais l'enjeu ici est uniquement d'illustrer l'impact des clauses.
Scénario "Au-dessus"
Chacun des actionnaires (Entrepreneur, VC) récupère sa part au pro rata de sa participation au capital.
Scénario "En-dessous"
Lorsque la valorisation du prix de vente de la startup (ex. 4 M€) est inférieure à la valorisation post-money où il est entré au capital (ex. 10 M€), le VC risque de perdre de l’argent (ex. investissement de 2 M€ pour 20% du capital, sur lequel il ne lui reste donc que 20% x 4 = 0,8 M€).
La clause de "liquidation préférentielle" s'active alors en trois temps. De manière simplifiée :
Une petite part de la vente (approximativement 15%) est répartie entre les actionnaires au pro rata de leurs parts de capital (ex. le VC récupère 0,1 M€, l'Entrepreneur 0,5 M€, et il reste 85% x 4 M€ = 3,4 M€ à distribuer)
Avec ce montant, quand bien même cela représente plus que ses parts du capital, le VC récupère la différence entre ce qu'il a touché en 1. et son investissement (ex. 2 M€ - 0,1 M€ = 1,9 M€, et il reste donc 3,4 M€ - 1,9 M€ = 1,5 M€ à distribuer)
Le montant restant (quand il en reste...) est à nouveau réparti au pro rata du capital détenu par les actionnaires (ex. VC 20% x 1,5 = 0,3 M€).
Dans ce cas, l'Entrepreneur détenteur de 80% des parts initialement valorisées 8 M€ (80% x 10 M€), ne récupère que 1,1 M€ ; et le VC a récupéré 2,3 M€, soit légèrement plus que sa mise (alors même que la startup a sous-performé).
💡En résumé :
La startup a besoin des VC (cf. disposer de financement pour se développer), et les VC ont besoin de startups ambitieuses & réalistes (cf. satisfaire ses clients LPs)
Quel type de VC correspond à la phase de mon cycle de vie ? Est-ce que les objectifs de ma levée de fonds correspondent à ceux qu'attend un VC dans cette phase ?
Lever des fonds lorsque l'on est confiant de faire croître sa valorisation
Aborder la levée de fonds avec un projet solide et attractif afin de pouvoir négocier au mieux les clauses (et essayer d'en supprimer certaines)
La valorisation de sa startup n'est que la pointe émergée de l'iceberg d'un deal ; la clef est dans les clauses juridiques de la 'term sheet'
Sur-évaluer sa startup est mauvais calcul, triplement inopportun
Si la valorisation de vente est inférieure à celle d'entrée du VC, ce dernier récupère sa mise avant l'entrepreneur
Un investissement de VC, surtout en phase d'amorçage, est avant tout un pari sur une équipe.
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